mercredi 14 novembre 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 12 et le 18/10)


- Irène Némirovsky, L’affaire Courilof, Grasset, 1933
- Mazin Mamoory, Cadavre dans une maison obscure, traduit de l’arabe (Irak) par Antoine Jockey, Lanskine, 2018
- Jean-Claude Moscovici, Voyage à Pitchipoï, L’école des loisirs, 1995
- Jean-François Billeter, Quatre essais sur la traduction, Allia, 2018
- René Char, Fureur et mystère, Gallimard / Poésie, 1967
- Jacques-Rémy Girerd, La Prophétie des grenouilles, Hachette, 2003

1- Continuer dans le goût romanesque, dans un presque roman policier, avec double narration, encadrée [quelque chose du récit de Maupassant dans l’économie narrative de Némirovsky ? – idée qui ne me vient pas seulement de la lecture de ce livre]. Ce qui est commun aux quatre livres, c’est un déplacement physique, une expérience de l’exote – sociologiquement, au moins – et un questionnement tourné vers l’autre et soi, doublement par ricochet – la question d’une « identité » qui vole en éclats, sans doute. Un espace d’incertitude, dans la « psychologie » des personnages.
2- Mazin Mamoory, comme Kadhem Khanjar, appartient à la « Milice de la culture », et on retrouve bien évidemment quelque chose de commun entre les deux. Mamoory est peintre (et j’aime le peu de tableaux que je connaisse de lui), et on sent cette préoccupation de construction visuelle dan sa façon d’appréhender son texte, par les lexiques, la construction. Une lecture rapide, de travail en partie, par sélection, filtrage – je procède souvent de cette manière – et j’y reviendrai autrement, par d’autres voies, plus tard.
3- Deux lectures de travail (relectures, de fait, se remettre en mémoire pour construire), et je me laisse aller au récit, oublié. Le témoignage de Moscovici, un survivant, qui prend.
4- Essai très stimulant de Jean-François Billeter, lecture de bus, par à coups, qui s’arrête en plein essor – et c’est bien, ça fait mouvoir le dehors. Sous des dehors parfois prescriptifs qui peuvent rebuter, c’est un travail d’analyse très fine de la traduction du chinois, de la poésie chinoise classique (« On ne peut la traduire, mais on peut suggérer ce qu’elle fut. » - 55), pour le peu que j’en puisse juger – c'est-à-dire : faire confiance [ et je pense en écho au Meng de Jean-René Lassalle, qui proposait un autre mode de lecture de la traduction, par la recréation, l’écriture d’autre chose, mais dans des préoccupations proches – comment rendre un système syntaxique si étranger, différant tellement du notre ?], confiance aidée par les multiples références à d’autres traductions, d’autres travaux, et à une recherche très fouillée, avec des exemples de traduction, comme en train de se faire, un travail d’investigation, par les raccourcis, les chemins plus longs, lents, les impasses et tous les jeux de possibilités dans lesquels il faut trancher pour obtenir un résultat, avec aussi ce qui tient de l’interprétation, au sens musical (98 &: « Dans certains cas, le travail de l’interprète consiste avant tout à chercher le ton juste. » - 101) : « Le poème est une sorte d’agencement nucléaire destiné à être développé par une savouration récurrente. La puissance de ce noyau se mesure aux effets qu’il déploie à la longue. » (26). La métaphore de la musique accompagne tout le livre, et le fait de suivre l’auteur dans les méandres qui l’amènent à un résultat pour chaque poème traduit, qui dès lors n’est plus seulement résultat, amis état d’une dynamique à l’œuvre, en témoins, intéresse et affecte : « C’est ce que disent le musiciens : leur plus grand plaisir est dans le travail qu’ils font durant les répétitions, non dans le concert » (126). Un autre mode, donc, de lire, et qui nous est ici offert.
5- Et je note aussi, parce que ça m’éclaire une façon de lire, d’écrire : « J’en ai conclu qu’au lieu de s’obstiner à traduire, il fallait essayer de parler des effets du poème, de l’événement qu’il produit dans l’esprit du lecteur. On donnerait ainsi au poème une présence indirecte tout comme le poème lui-même donne une présence indirecte au réel. L’effet de chaque poème étant particulier, la description aurait à suivre chaque fois des voies différentes. » (12)
6- Décidément, je n’arrive pas avec René Char. On me pousse. Je crois que c’est le côté « maxime » parfois, avec les définitions du « poète », et l’usage du présent gnomique, qui m’empêche, me ferme une lecture plus honnête sans doute, et plus intéressée. Quand même je note : « Le poème est une assemblée en mouvement de valeurs originales déterminantes en relations contemporaines avec quelqu’un que cette circonstance fait premier. » (72) ; « Lyre sans bornes des poussières, / Surcroît de notre cœur. «  (197). De ce  fait, aussi sans doute, Les feuillets d’Hypnos, plus prosaïques (« Curiosité glacée. Evaluation sans objet. » - 104), souvent de l’ordre du travail de diariste (97, 100, 105…), me sont plus familiers, plus proches, j’en apprécie l’écriture, qui parfois touche, provoque l’enthousiasme, la sympathie.
7- Cette lecture : longue, coupée, sur plusieurs mois, qui correspond aussi à la lecture parallèle de textes s’apparentant à la maxime. Je cherche, je me demande quoi. Un travail de limites ?

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