lundi 6 août 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 27/7 et le 2/8)



-  Walter Benjamin, Petite histoire de la photographie, traduit de l’allemand par Lionel Duvoy, Allia, 2014
-  Leslie Kaplan, Mai 68, le chaos peut être un chantier, POL, 2018
-  Jean A. Keim, Icônes russes, Fernad Hazan, 1967
-  Jean-Loup Trassard, Images de la terre russe, Le temps qu’il fait, 1990
-  Rainer-Maria Rilke et Lou Andréas-Salomé, Correspondance, traduction de Pierre Klossowski, Le Nouveau Commerce, 1976, 1989.
-  Eric Chevillard, Ronce-Rose, Minuit, 2017
-  Denis Roche, La photographie est interminable, entretien avec Gilles Mora, Seuil, 2007
-  Vincent Almendros, Un été, Minuit, 2015

1-   Une autre bibliothèque, repérages, y saisir l’occasion.
2-   Très beau et apéritif petit livre de Benjamin, avec une belle iconographie,, auquel on sait d’emblée que l’on reviendra, parce qu’il ouvre des perspectives, par l’approche technique (voir aussi L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique – le rapport à l’aura). Dans cette richesse, des éléments un peu flottants, que j’ai du mal à saisir, ou du moins d’en faire des points de repère définitif, même s’il éclaire – jeu de lumière. Le procédé, le portrait et son usage, la volonté d’y faire « art », dans le cliché (ou du moins à ce qu’il renvoie), le portrait anonyme (August Sander), les superbes pages sur Eugène Atget (« L’extraction de l’objet hors de son enveloppe, la destruction de son aura, constitue la marque d’une perception dont le sens pour ce qui est semblable dans le monde s’est accru au point que, par la reproduction, elle annexe aussi l’unique. » - 42), l’idée de « création collective », de miniaturisation (« l’art comme photographie – 49), le questionnement incessant des origines techniques, ce qui s’y dépose.
3-  « En dépit de toute l’habileté artistique du photographe et toute la rigueur avec laquelle le modèle maintient la pose, l’observateur, en contemplant une telle image, se sent irrésistiblement conduit à y déceler, hic et nunc, la plus petite étincelle de hasard par laquelle la réalité a en quelque sorte brûlé le sujet photographié, à trouver le lieu invisible où, dans l’instant de cette minute depuis longtemps écoulée, l’avenir se niche aujourd’hui et avec tant d’éloquence que nous pouvons, rétrospectivement, le dévoiler. » (16-17)
4-  Je n’avais jamais lu Leslie Kaplan, qui évoque mai 68 dans ce qui tient de l’essai, dynamique, sans nostalgie, mais sur ce qui reste actuel de ce mouvement, et d’un texte dialogué, quasi-théâtral, ce qui n’étonnera pas puisque la prise de parole en est le fondement (« qu’est-ce que c’est parler ? parler vraiment / parler à quelqu’un / un dialogue c’est quoi » - 10). Ce seront les développements sur le dialogue (34-41), qui ne propose pas vraiment de réponse, mais un ensemble de propositions qui montre l’importance d’une parole ouverte, attentive, questionnant, nouvelle perpétuellement. La reprise de slogans, devenus lieux communs, vidés de leur sens, pose dès lors un problème (je songe, par rebonds, à cette distinction entre le style direct et indirect de Deleuze – via Hocquard, pour la source) : « les paroles vivantes ont été ’récupérées’, c'est-à-dire : sont devenues des clichés / c’est l’état de maintenant / et c’est là-dessus que nous travaillons » (48). Comme dans le livre de Jean6christophe Bailly, on trouve cette préoccupation de l’actuel – et ici, une préoccupation forte et capitale du politique, par l’usage de la parole.
5-  Tout petit livre d’introduction, miniature, texte & images, dont je retiens « le temps et la négligence des hommes ont parfait ces destructions » (ce qui reste des icônes) et Le prophète Elie (Ecole de Novgorod, vers une abstraction – & le fond rouge), ainsi que les reproductions de Théophane le Grec et d’André Roublev (la finesse, la grâce).
6-                 Images de la terre russe, dont j’aime les très belles photographies (particulièrement les routes qui font échos chez moi à une scène d’Andreï Roublev de Tarkovski – les lignes dans le champ, lors de la fonte la cloche). Le texte ne me touche pas (sauf parfois les listes entre tirets, sans ponctuation : « – blancs couleurs rires à fichus – », 27)
7-  A l’extérieur aussi, de cette correspondance, pourtant pas nécessairement anecdotique, avec ce qu’elle touche dans le processus créatif.
8-  Une affaire de circonstances, comme souvent, dans ce qui fait écho, atteint une cible, et ce qui ne fait à première vue pas jouer la machine à lire, mais émergera peut-être plus tard, liens, reports, jonctions.
9-  Il faut toujours avoir un Chevillard en réserve – bien que celui-ci me semble une petite errance, un peu à côté (je pense au premier, dans le côté un peu enfantin, quelque chose de Zazie qui aurait vieilli – le déguisement, le cordonnier – mais ça n’a pas pris).
10- Denis Roche photographe, que je découvre un peu – on connaît sans avoir vraiment regardé -, que j’approfondis. La magie du livre d’images, des préoccupations qui se font jour, et puis ce qui fait système – construction, bricolage et une part de ce qui fait le hasard construit de la photographie – conditions de lumière : « Ces photos sont prises parce que nous sommes à un endroit donné, à un moment donné. […] Mon ‘endroit’, c’est celui où je suis, où je me trouve, où je me tiens. Ce n’est pas un ‘lieu’. Quand je prends une photo, quelle qu’elle soit, où que ça se passe, c’est dans un endroit précis. » (51) et « le jeu excitant du hasard » (65). Sur le rêve, le monde flottant (77), la mort, le masque, l’ex-voto, le manque (20 & 28), une idée qui se construit et bouge, selon les éclairages symboliques ou conceptuels, en ouvrant le champ.
11-  Vincent Almendros, comme un polar du soir, très bien écrit – et quand même, interroger ce qui fait un peu la marque de l’éditeur, une écriture comme lieu commun – du coup : un livre-vite, plaisir aussi, mais qui ne tient pas la mémoire.

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