- Chamfort, Maximes et anecdotes, préface d’Albert Camus,
Noé, 1963
- Kadhem Khanjar, Marchand de sang, Plaine page, 2017
1- « Qu’est-ce
que la maxime en effet ? On peut dire en simplifiant que c’est une
équation où les signes du premier terme se retrouvent exactement dans le
second, mais avec un ordre différent. C’est pour cela que la maxime idéale est
retournée. Toute sa vérité est en elle-même et pas plus que la formule
algébrique, elle n’a de correspondant dans l’expérience. On peut en faire ce
que l’on veut jusqu’à épuisement des combinaisons possibles entre les termes
donnés dans l’énoncé, que ces termes soient amour, haine, intérêt ou pitié,
liberté ou justice. On peut même, et toujours comme en algèbre, tirer de l’une
de ces combinaisons un pressentiment à l’égard de l’expérience, mais rien de
tout cela n’est réel parce que tout y est général. », nous dit Albert
Camus (7), avant d’expliquer que l’intérêt de Chamfort est qu’il n’écrit pas de
maximes.
2- « Le
paresseux s’accommode d’une maxime qui le dispense de faire lui-même les
observations qui ont mené l’auteur de la maxime au résultat dont il fait part
au lecteur. », répondrait Chamfort (237), qui ferait donc de son recueil /
livre, un livre d’expérience – celle du monde et du Monde – et qui mène, à mon
sens, à l’aspect plus intéressant des dernières parties.
3- Difficulté
avec la forme de la maxime, le côté bon mot, l’anecdote qui brille. Pourtant je
lis (en écho, un livre sur la forme brève, lu il y a quelques années – mais impossible
de me souvenir quoi – le bout de la langue). Une lassitude dans la répétition,
le caractère souvent interchangeable des points, et parfois une pépite, qui
passe souvent aussitôt allumée. « Je n’étudie que ce qui me plaît ;
je n’occupe mon esprit que des idées qui m’intéressent. Elles seront utiles ou
inutiles, soit à moi, soit aux autres ; le temps amènera ou n’amènera pas
les circonstances qui me feront faire de mes acquisitions un emploi profitable.
Dans tous les cas, j’aurai eu l’avantage inestimable de ne pas me contrarier,
et d’avoir obéi à ma pensée et à mon caractère. » (324) Je souligne circonstances.
4- Deux modes de
lecture du livre de Kadhem Khanjar : pour moi, et pour le travail (choisir
des textes pour mes élèves). Le va-et-vient.
5- Beau livre,
dont les multiples photographies donnent à voir le texte dans son caractère
performé, et c’était à mon sens capital qu’il soit ainsi documenté. Ce qui fait
l’importance de cette poésie, c’est sa précarité, qui va de pair avec celle de
la vie dans l’Irak actuelle. C’est ici un geste fort, et pour avoir vu Kadhem
Khanjar en lecture/performance (on peut jeter un œil ici, sur tapin2, et là) il
y a presque deux ans, je comprends cette
nécessité de donner corps, spectaculairement, certes, mais aussi humainement au
texte (il est étonnant, et c’est une question qui lui avait été posée, de voir
comment l’auteur habite son texte, son témoignage, son rôle de poète, avec
aussi un détachement par l’humour, la belle humeur – précarité de la vie, mais
dans son caractère tragique autant que comique). Un texte dur, où l’anaphore
fait sens, dans la répétition des morts, des attentats. Un livre fort.
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