Le
livre de Yannick Liron, Sans effets personnels (éditions Mix, 2008),
est un objet singulier.
Constitué de 35 textes plus ou moins courts, dont un
blanc, plus 1, et sous-titré « hantologie » (clin d’œil sans doute à l’«
entologie » des conceptuels chez le même éditeur, ou le contraire), il joue sur
la matérialité de l’objet-livre, dont chaque élément a, pour le coup, valeur
d’éclairage ou de brouillage. Un fantôme.
Le titre, en écho avec la rapide présentation du contenu
qui nous indique un peu ironiquement, façon œuvres
complètes de, le classement chronologique avec sous-classement générique
des textes présentés, semble insister sur l’absence d’effets personnels (i.e.
présence d’une subjectivité, pas de pronom personnel je ici) : la neutralité critique de l’objet ; mais aussi sur
l’absence d’effets personnels (i.e. d’objets personnels) : l’absence de textes
de l’auteur, qui donne au texte un côté ready-made, parfois collage, avec des
ruptures visibles et pourtant incertaines, une hésitation sur la provenance des
éléments ici collectés, exceptées les citations clairement identifiées (Hervé
Régnault, géographe, et Louis Zukofsky,
objectiviste). Des fantômes.
Les textes sont connectés par des réseaux lexicaux, comme
la robe, rouge (comme celle de Pascalle, que l’on retrouve souvent chez
Emmanuel Hocquard), les objets, la grammaire (« phrase », « proposition », «
énoncé », « conjonctions copulatives »… et leur effet métalangagier, voire
métatextuel : « Dans le méta comme dans la merde. » - p.22), les jeux de mots
(robe, to rob…)… Il s’agit de faire des recoupements, de mener son enquête de
sens, jusqu’à ce que tout à coup, tout semble s’assembler : « ce n’est que
lorsque tout est en place que » (p.14). On est alors au climax, puis tout se
défait. Reprendre l’objet, retourner les pages, rechercher sa trame indiciaire,
se laisser piéger, sourire à la blague – car c’est aussi un objet drôle, on s’y
amuse -, l’ironie du jeu, traverser les énumérations, autant de gestes qui «
rendent sa lecture interminable » (p.45).
On y bricole comme dans un moteur, avec des
accélérations, des pauses, le livre se démonte, comme un mécano, jusqu’à la
quatrième de couverture : « une malheureuse faute d’impression : ‘livre’ au
lieu de ‘objet’ ». Montage, démontage, remontage, « réparations dépannages et
maintenance » (p.39).
Cet objet singulier, on peine à le refermer, ce coffret,
à le ranger, il s’invite là, évident et secret, il hante les multiples
lectures. Par transparence.
Ce texte a été initialement publié sur le blog de Sébastien Smirou.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire