jeudi 2 août 2012

à bruit secret


Le livre de Yannick Liron, Sans effets personnels (éditions Mix, 2008), est un objet singulier.
            Constitué de 35 textes plus ou moins courts, dont un blanc, plus 1, et sous-titré « hantologie » (clin d’œil sans doute à l’« entologie » des conceptuels chez le même éditeur, ou le contraire), il joue sur la matérialité de l’objet-livre, dont chaque élément a, pour le coup, valeur d’éclairage ou de brouillage. Un fantôme.
            Le titre, en écho avec la rapide présentation du contenu qui nous indique un peu ironiquement, façon œuvres complètes de, le classement chronologique avec sous-classement générique des textes présentés, semble insister sur l’absence d’effets personnels (i.e. présence d’une subjectivité, pas de pronom personnel je ici) : la neutralité critique de l’objet ; mais aussi sur l’absence d’effets personnels (i.e. d’objets personnels) : l’absence de textes de l’auteur, qui donne au texte un côté ready-made, parfois collage, avec des ruptures visibles et pourtant incertaines, une hésitation sur la provenance des éléments ici collectés, exceptées les citations clairement identifiées (Hervé Régnault, géographe, et Louis Zukofsky, objectiviste). Des fantômes.
            Les textes sont connectés par des réseaux lexicaux, comme la robe, rouge (comme celle de Pascalle, que l’on retrouve souvent chez Emmanuel Hocquard), les objets, la grammaire (« phrase », « proposition », « énoncé », « conjonctions copulatives »… et leur effet métalangagier, voire métatextuel : « Dans le méta comme dans la merde. » - p.22), les jeux de mots (robe, to rob…)… Il s’agit de faire des recoupements, de mener son enquête de sens, jusqu’à ce que tout à coup, tout semble s’assembler : « ce n’est que lorsque tout est en place que » (p.14). On est alors au climax, puis tout se défait. Reprendre l’objet, retourner les pages, rechercher sa trame indiciaire, se laisser piéger, sourire à la blague – car c’est aussi un objet drôle, on s’y amuse -, l’ironie du jeu, traverser les énumérations, autant de gestes qui « rendent sa lecture interminable » (p.45).
            On y bricole comme dans un moteur, avec des accélérations, des pauses, le livre se démonte, comme un mécano, jusqu’à la quatrième de couverture : « une malheureuse faute d’impression : ‘livre’ au lieu de ‘objet’ ». Montage, démontage, remontage, « réparations dépannages et maintenance » (p.39).
            Cet objet singulier, on peine à le refermer, ce coffret, à le ranger, il s’invite là, évident et secret, il hante les multiples lectures. Par transparence.


Ce texte a été initialement publié sur le blog de Sébastien Smirou.

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