dimanche 29 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 20 et le 26/7)

-  Paul Léautaud, Amours, Mercure de France, 1965 
-  Mary pope Osborne, Les mystères du château hanté, traduit et adapté de l’américain par Marie-Hélène Delval, Bayard jeunesse, 2006 
-  Bruno Fern, Suites, Louis Bottu, 2018 
-  Gabriel Garcia Marquez, Chronique d’une mort annoncée, traduit de l’espagnol par Claude Couffon, Grasset, 1981

1-  Lecture par échantillons : choisir un livre d’un auteur connu en fonction de son épaisseur, dans une autre bibliothèque. Free sample. 
2- Pas convaincu : autobiographie distanciée, un peu ironique, d’un premier amour ; parfois étonnamment leste, bien que certains détails paraissent biffées. Posthume (édité en 1958 pour la première fois, le livre date de 1906). 
3-  Lire pour suivre l’enthousiasme de ma fille : s’aventurer… (je pense à Enid Blyton, dans la simplicité, la redite). 
4-  Roman fleuve à plusieurs niveaux de chronologie, Suites débute par l’aïeul qui part du pays basque pour la guerre en 1914, en revient inadapté, jusqu’au narrateur qui raconte la recherche de traces. Chronique historique, vraisemblablement avec un ancrage autobiographique, en diffraction, le narrateur narre à la troisième personne et son double personnage, MM (pour Monsieur Maladroit), joue du burlesque – « ici comme ailleurs le silence règne dans les orties, du moins tant que personne n’y est poussé » (74, voir aussi 141, 144). On se perd dans les méandres du fleuve (on en trouve l’explication et un mode d’emploi, aux pages 123 à 127), qui charrie l’histoire (l’Histoire ?) comme autant de débris – fulgurances brèves (« en faire un montage » - 59) qui font penser à Arno Schmidt (cité dans le texte – 85 – on songe aussi à Maurice Roche, dans les reprises, l’humour noir – « Quand mourir ? »- 147 –, la typographie, et un peu à Olivier Cadiot, pour le travail sur la vitesse, les brusques accélérations, à Christian Prigent dans certains systèmes de montages – le travail de cut up, ses transformations). J’ai un peu peiné à y entrer, cherchant le mode de fonctionnement, puis le rythme happe, on se fait prendre au récit spiralé, dont le centre bouge, revient – l’origine, l’enquête, le sens du mouvement.
5-  Chronique à nouveau, reconstruction d’un assassinat par l’un des amis de la victime, dans un travail d’enquête d’abord peu  perceptible, mais qui multiplie les témoignages, les preuves, dans un enchaînement de circonstances dont on n’aura le maître-mot qu’à la fin. Il y a là un jeu formel sur l’idée d’enquête criminelle, bien que la crime et le coupable soient évacués dès le début – le « suspense », si l’on peut accorder ce mot, se jouant ailleurs, et dans un mode ténu du récit –, chaque chapitre se jouant autour d’un personnage central, l’un des protagonistes, dont il trace un portrait le plus souvent en creux, comme autour d’un centre vide. Pourtant, le récit avance avec un foisonnement de précisions, toujours très riche dans la lancée descriptive, le jet à la fois rapide et ample, qui sature la diégèse. C’est ample, et riche, tout en étant détaillé et développant à partir d’un point ténu, mais crucial. [et puis : cette fiction des 2000 lettres sans réponses de la mariée répudiée, sur le tard, comme une graphomanie aveugle]. 

mardi 24 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 13 et le 19/7)

-  Anne F. Garréta, Dans l’béton, Grasset, 2017 
-  George Oppen, 21 poems, New directions, 2017
 -  Jo Nesbo, L’homme chauve-souris, traduitdu norvégien par Elisabeth Tangen et Alexis Fouillet, Gaïa, 2002 
-  Yves Ravey, Cutter, Minuit, 2009 
-  Einar Mar Gudmundsson, Le testament des goutes de pluie, traduit de l’islandais par Eric Boury, Gaïa, 2008 
-  Nicolas Tardy, Gravitations autour d’un double soleil, Série discrète, 2018

1-      Avec son orthographe orale à la Queneau, le roman de Garréta paraît lui être une sorte d’hommage, ainsi qu’à Perec (celui du Petit vélo). La narratrice, une enfant drôlement malpolie, passionnée par le béton et la taloche, raconte ses aventures familiales par brefs épisodes-chapitres, souvent autour d’un travail d’homophonie, de calembours et de paronomase, dans un lexique thématique me semble-t-il (un schéma d’allusions dans chaque partie). Elle peine à avancer, comme Tristram : « Et puis si je digresse, c’est pour mieux aller à ma fin. » (159) 
2- Les 21 poems ont été retrouvés par David B. Hobbs dans les papiers d’Ezra Pound, conservés à l’université de Yale. Découverte incroyable de juveniliae qui annoncent le premier livre d’Oppen, Discrete series. Première lecture très rapide, repérage des lieux, et c’est magnifique. 
3- Polar du soir, un peu lourd, avec son tueur en série, et les relais improbables. 
4- Ravey : une écriture très cinématographique, dialogues et brèves descriptions, mouvement, une enquête, un enfant narrateur. Détail curieux : les voitures (Ami 6, R8, Ford Taurus), évoquent les années 70 ou 80, et le contexte y fait penser. Pourtant, la monnaie est en euros (16-17). Je ne me l’explique pas. Détail du conte se présentant comme tel, topoï fictionnel ? 
5-  Étrange roman se déroulant dans « les abysses », un quartier d’une banlieue de Reykjavik. Le récit avance par vignettes, centrées autour d’un personnage (le conteur-sellier, le pasteur, son épouse, le coiffeur, le gardien du jardin botanique). Une nuit avec un bateau fantôme, un revenant, une hallucination, on ne sait trop, mais beaucoup d’obscurité et des gouttes de pluie, qui forment le fondement de l’ensemble. On oscille du métaphorique poétisant, du mythe, au franchement grotesque, au détail des plus prosaïque. Cheminement chaotique, parfois contradictoire, d’une chronologie labyrinthique, tenant de l’aoriste (« il était une fois » - 237, qui relance un épisode – on pense à l’art du conteur et on se demande si le narrateur n’est pas le conteur-sellier du début – le conte du conte, en abyme). La réduction et l’ampleur. Un beau texte. 
6-  Entre l’année de naissance et celle de la mort de Sun Ra, Nicolas Tardy propose une brève histoire de la conquête de l’espace, de la musique et du cinéma populaires, de la politique internationale, des rapports entre noirs et blancs (et d’autres couleurs), sous forme de petites proses qui joue de la périphrase de façon parfois très drôle (« Sur des écrans plongés dans le noir, une mystérieuse fièvre sévit uniquement en fin de semaine.» - 77), et en tous cas en ralentissant la lecture de manière efficace, par le décodage nécessaire, en attirant l’attention sur ce qui passerait vite. Une forme d’accéléré-ralenti. Un bel hommage.

lundi 23 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 6 et le 12/7)

- Frédéric H Fajardie, Au bord de la mer Blanche, Gallimard, 1987 
-  Pascal Lainé, La Dentellière, Gallimard, 1974

1-  Trois spectres sur la ligne de front entre deux armées adverses, l’Est et l’Ouest, devant remonter vers la mer Blanche, en quête d’une vérité, un peu à la stalker. Une fable post-atomique, qui renvoie à la guerre froide, avec un personnage centriste. Plutôt agréable : « Puis les derniers cavaliers tournaient bride avec une lenteur exagérée et l’on distinguait de chaque côté de la selle de gros tambours drapés de pourpre et d’or sous un crêpe léger d’un noir bleuté. » 
2-   Récit au second degré, La Dentellière est une histoire simple, où la simplicité blanche et dense du personnage de Pomme est le ressort. La narration bouge, se refait dans les focales, les désirs à l’œuvre (« En tous cas, tout s’était déroulé ce jour-là comme s’ils avaient été l’un et l’autre habités et dominés par une force qui leur fût étrangère, à la manière dont les règles du langage dominent notre parole. » - 113). Un livre de presque rien, mais très beau.

lundi 9 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 29/6 et le 4/7)

- Julio Le Parc, Petite bifurcation de celui qui n'est pas, Poèmes traduits par Olivier Salon et Eduardo Berti, Editions Sylvain Courbois, 2018
- Jack Spicer, Les papiers d'Oliver Charming, traduit de l'américain par Eric Suchère, L'ours blanc 11 / héros Limite, 2016
- Juliana Spahr, Va te faire foutre - Aloha - Je t'aime, traduit de l'anglais (USA) par Pascal Poyet, L'attente, 2018
- Dorothée Volut, Poèmes premiers, Eric Pesty Editeur, 2018

1- Julio  Le Parc est un artiste argentin, installé près de Paris, dont l'oeuvre est dans la proximité de l'Op Art (vastes mobiles monochromes sur supports transparents, adoptant des formes géométriques, et, ici, variations sur des formes dans un pointillisme en dégradé). Poèmes, dit-on, d'un ensemble qui ne fait pas "livre" mais recueil. Rien de complexe dans la syntaxe, des choses simples, sans prétention, jeu sur les paradoxes, notes, "poésie lyrique", parfois, et convaincantes. "après avoir fini / il oublia de mettre / fin / les gouttes ont augmenté / l'oubli sans fin". (69)
2- Peter Gizzi a publié un ensemble de textes retrouvés de Spicer, dont ces papiers, traduits par Eric Suchère, qui publiera le volume complet chez Nous en automne (qui complètera son édition chez Le Bleu du ciel). Je peine un peu à me retrouver dans ce récit décousu (journal, procès théâtralisé), très influencé par les avant-gardes européennes du début du siècle (Dada, Mertz, Surréalisme  - j'y trouve peut-être des échos d'Ubu). Ils datent d'avant After Lorca et annoncent l'éclectisme de Spicer, un certain humour pince-sans-rire. La publication de l'ensemble me permettra sûrement une lecture plus approfondie, qui permettra de voir comment Spicer élabore sa poétique, dont les conférences nous indiquent l'importance, s'il fallait s'en persuader. Un bon avant-goût.
3- Juliana Spahr a écrit quelques livres qui prennent source dans son expérience à Hawaï où elle a enseigné un temps (voir The transformation, chez Atelos press, par exemple). La langue, la construction, le jeu sur la répétition et le lieu commun ("da kine", mot fourre tout largement employé dans le créole hawaïen, par exemple), la référence à l'histoire ou aux parler locaux, les pyramides humaines qui servent de support au texte, tout interroge la notion de communauté, d'un nous qui se construit dans l'altérité, qui sous tend tout le travail universitaire et d'écrivain de l'auteur.
4 - Dorothée Volut met souvent en scène le corps du scripteur, dans l'acte poétique, en ce qu'il a de quotidien - dans le décor posé ici, aussi - et de volontaire, d'ardu. De brèves disjonctions syntaxiques, qui passent au départ inaperçu, insistent sur ce travail d'une langue qui semble d'abord couler sans difficulté - première? -. Je pense à un rapport avec une tradition (le jardin, la campagne, largement présents) qui, sans la renier, pousse l'objet plus loin (Poèmes premiers n'est pas Premiers poèmes), qui justement, en l'objectivant, attire l'attention sur le texte en train de se faire, de s'écrire. Et donc, de se lire.



Livres lus ou relus (terminés entre le 22 et le 28/6)

- Jo Nesbo, L'étoile du diable, traduit du norvégien par Alex Fouillet, Gallimard, 2003

1- Un serial killer, un flic véreux, un flic intègre à la dérive... Rebondissements feuilletonesques.
2- Le polar du soir, comme une série, l'attente de la fin, et puis assez rapidement l'oubli de celle-ci. Ce qui reste: quelques scènes, une silhouette. Et pourtant, le lecture acharnée, plaisante.

Livres lus ou relus (terminés entre le 15 et le 21/6)

Rien.

Mais la sortie d' A fin de (peser le mouvement), chez Eric Pesty Editeur, dans la collection des agrafés, ce dont je suis très fier.
Expérience de relecture nouvelle, deux ans après l'écriture et l'envoi du manuscrit, où il me fallait retrouver mes marques, retrouver comment j'avais fabriqué la chose, un peu perdu au départ.
Merci à Grégoire pour ce beau travail.



Livres lus ou relus (terminés entre le 8 et le 14/6)

- Cécile Mainardi, L'homme de pluie, Série discrète, 2017
- Pascal Poyet, Une aventure de Tanger, CipM, 2017
- Jean Roudaut, Autoportrait de l'auteur en passant, Fario, 2018

1- Un peu déroutant après Rose activité mortelle, L'homme de pluie démarre doucement, syntagmes simples, variantes et anaphores vers l'oralisation, puis l'ensemble prend une ampleur qui transporte, montre un écheveau complexe qui prend le lecteur avec lui - plaisir et désir mêlés. Une très belle lecture et un bel objet: "s'il fait un pas plus grand que les autres / il bascule dans un autre ensemble / où il rejoint le commun de la pluie".
2- Pascal Poyet relit La grammaire de Tanger, d'Hocquard, dans la citation, la répétition propre aux cinq livres, la variation. Il fait jouer le texte aussi pour son propre compte. Entre création et relais critique, le livre fonctionne à merveille. "[...]dans la pensée, dans le langage: prenez le vivant [...]". Après la relecture des livres d'Hocquard, je suis un peu désorienté, puis je retrouve la phrase de Poyet, aussi. Ce qui relie, double, éclaire.
3- Jean Roudaut dresse un étrange autoportrait: celui du retraité, en vacance, exilé, auquel s'associent les figure de Tertullien et d'Ovide (18), lignes qui s'entrelacent. Un drôle de récit d'hôpital, avec le malade ("je"), sorte de Bartleby en prise avec un monde kafkaïen, en déprise. L'autobiographie se confronte avec les grandes figures fictionnelles, dans un texte souvent grave et très drôle, où l'on peine à se figurer, justement l'autoportrait, dans les jeux de miroir ("On croirait à des lignes. Je veux évoquer des espaces, des intervalles, avec assez de soin pour que l'oeil traverse l'arbre, et que la toile soit l'interface entre ce qui est proposé et ce qui est, pour encore, invisible." - 134). Dans cette relation et navigation dans les souvenirs, la peinture, les lectures, Jean Roudaut se montre facétieux, surprenant dans la forme, dans un texte dont on sent pourtant l'intime préoccupation de la fin ("Le vieil homme est revenu à son jour de souffrance. Il ne fait plus de différence entre le lointain et l'immédiat. Se dissolvant, porté par les pluis, dérivant dans la terre, recomposé en un végétal nouveau. Il n'y a plus rien dans la malle bombée, si cen'est, dans un papier de soie rongé, un mouchoir de Cholet, à la dentelle jaunie." - 41).

dimanche 8 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 1er et le 7/6)

- Jean-Christophe Bailly, Un arbre en mai, Seuil, 2018

1- Bref récit abandonné des événements de 1968, autobiographique (avec les références contextuelles, les anecdotes, et tout ce qui fait du livre, aussi un essai - et dans sa dynamique, pas vraiment de nostalgie), et dont je retiens surtout le travail sur la syntaxe, en longue période. La prose de Bailly est précise, élégante et déborde la phrase, joue sur les densités.
2- "A travers ce qu'il faudrait dire ici, je vois bien qu'aucune organisation chronologique ou même sérielle de mon récit n'est possible: j'avais commencé avec l'intention de parler du Vietnam et d'aborder la question du tiers-mondisme, et voilà que je rends compte de tout autre chose, mais c'est parce que tout est glissant, parce que toute cette période est tourbillonnaire: aussitôt que la mémoire touche un point, celui-ci en réveille d'autres, et la structure devient celle d'un archipel désordonné. On tire un fil, et c'est toute la pelote qui vient. Sans doute est-ce tout le passé qui de lui-même est structuré ainsi, c'est-à-dire en fait sans structure, mais avec cette forme ou ce moment du passé que j'essaye de circonscrire, la remontée est encore plus impatient, les contaminations plus rapides."  (23)

Livres lus ou relus (terminés entre le 25 et le 31/5)

- Henning Mankell, L'homme inquiet, traduit du suédois par Anna Gibson, Seuil, 2010

1- J'aime beaucoup les enquêtes de Kurt Wallander, sorte de Maigret suédois plus sensible. Plus que la diégèse, le personnage et ses affres.
2- Lectures plus distrayantes, dans le plaisir de se laisser prendre, comme un bon téléfilm.

Livres lus ou relus (terminés entre le 18 et le 24/5)

- Patrick Süskind, Le parfum, traduit de l'Allemand par Bernard, Lortholary, Fayard, 1986
- Franck Schmidt, Clémence Gégauff, Céline Claire, Histoires de dragons, Lire c'est partir

1- Livre remis depuis la fin des années 80, au moment qu'il fallait. quelque chose qui me fait penser au feuilleton du XIXème siècle (atmosphère très cinématographique qui m'évoque aussi Le Nain géant, de Marc Petit, dans la description des lieux parisiens, l'aspect souterrain - la cave, la caverne - et vers Arsène Lupin du coup). Intérêt récent pour les parfums (notamment les eaux de Cologne - Marcel Cohen), qui trouve là de quoi se documenter, et parfait comme polar du soir.
2- Lecture de travail, pouvant convenir aux petits et jeunes lecteurs - variété des tons et des genres (et encore: je ne note quasiment aucune lecture faite pour le travail - coupure?)

samedi 7 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 11 et le 17/5)

- Emmanuel Hocquard, Une grammaire de Tanger, CipM, 2007
- Emmanuel Hocquard, Les babouches vertes, CipM, 2009
- Emmanuel Hocquard, Les coquelicots, CipM, 2011
- Emmanuel Hocquard, Avant, CipM, 2012
- Emmanuel Hocquard, Ce qui n'advint pas, CipM, 2016
- Emmanuel Hocquard, Un anniversaire, Contrat Maint, 2015
- Emmanuel Hocquard, Conditions de lumière, POL, 2007
- Emmanuel Hocquard, L'invention du verre, POL, 2003
- Georges Simenon, La main, Presses de la cité, 1968
- Emmanuel Hocquard, Muriel, film, CipM, 2017
- Emmanuel Hocquard, Méditations photographiques sur l'idée simple de nudité, POL, 2009
- Thomas Kling, Manhattan Espace Buccal, traduit de l'allemand par Aurélien Galateau, Unes, 2015
- Leontia Flynn, Sonnets, traduits de l'nglais (Irlande du Nord, par Fanny Quément, Marguerite Waknine, 2018
- Georges Simenon, La guinguette à deux sous, Fayard 1931 (repris en livre de poche)

1- "Or la question n'est pas de se demander ce qu'il y a derrière ce qui est écrit, mais de lire ce qui est écrit. Et ça, c'est difficile, parce qu'on n'a pas appris à le faire. Il conviendrait de se déshabituer, du moins en partie, de nos habitudes de lecture." (Une grammaire)
2- "Faire jouer un mot, c'est le faire entrer, non dans une phrase, mais dans un agencement. " (Les coquelicots): "Faculté d'étonnement, de surprise, d'émerveillement, de joie peut-être."
3- Joie est un mot qui revient souvent dans les derniers textes d'Hocquard, en référence à Nietzsche.
4- "Refus d'appropriation / perspectives de lecture, / durablement, dans le sens / de hanter." (L'invention). Et: "Un volume de lumière / que révèlent les circonstances / sans l'expliquer ouvre / des portes au lieu / de fermer."
5- Un relevé, je crois, tient d'une destination et d'une intention. Une lecture, qui en vaut une autre, du moins en partie. Comme je suis parfois très idiot, je n'avais pas vu, par exemple, le recadrage des images dans Muriel, film, qui donne le sens à l'ensemble.
6- Toute cette relecture d'Hocquard a eu lieu pour un entretien avec Eric Audinet, à l'invitation de L'EbaBx, à la librairie Mollat, après la lecture / projection du film de Juliette de Laroque, Juste quoi,
 (très beau, un film de: de Hocquard, de Tanger. Une belle réussite.). On peut écouter tout ça ici. (Beaucoup d'autres entretiens et archives à écouter).
7- Un Maigret est toujours agréable à lire, cette lenteur alcoolisée, un peu à la marge, dans les secrets. La main est un faux polar américain, un mort et suivre. Simenon est très bon dans ces romans à côté. Le passage de la ligne a été une lecture marquante.
8- Une traduction des sonnets de Leontia Flynn, tirés de divers livres: une anthologie de forme. Une tradition, et un jeu sur celle-ci, dans les références, la distance prise, parfois très objective. L'oscillation entre des formes d'hommages, biographies ou détails, et le rapport au père, à l'intime lié au sonnet, mais dans une objectivation de ce qu'on appelle lyrisme. Une belle découvrete récente pour moi.
9- Thomas Kling, qui a dirigé le centre d'Hombroich jusqu'à sa mort en 2005, a écrit deux textes sur sa visite à New York, l'un avant et l'autre après le 11 septembre. Un hiatus, travail sur l'image, la mémoire, l'actualité et l'actualisation.  la langue court, se disjointe, mais une scansion, un textus. Lu trop vite dans le train, à reprendre.

Livres lus ou relus (terminés entre le 4 et le 10/5)

- Emmanuel Hocquard, Silva, Contrat maint, 2003
- Emmanuel Hocquard, Ma Haie, POL, 2001
- Emmanuel Hocquard, Un test de solitude, POL, 1998,
- Emmanuel Hocquard, Comme un orage, CipM, 2017
- Jean de Poitiers, Les chansons d'amour et de joy de Guillaume de Poitiers, IXè duc d'Aquitaine, Figuière, 1926
- Emmanuel Hocquard, Tout le monde se ressemble, POL, 1995
- Emmanuel Hocquard, Le Consul d'Islande, POL, 2000
- Emmanuel Hocquard, Ruines à rebours, l'Attente, 2010

1-  La carte de Silva, non pas un calque, pour reprendre la définition deleuzienne chère à Hocquard. Représentation d'un espace, celui de la propriété de Maya Anderson et  Alexandre Delay, un plan, orienté (la flèche indiquant le nord, et respectant les codes de la carte  - du calque); et puis unce qui a été réalisé (le canale - voir Le voyage à Reykjavik) a disparu ou est en projet (les lieux-livres); et des espaces qui portent un titre d'un livre (Un test de Solitude) sans qu'on puisse vraiment les associer directement à l'espace indiqué. La carte est une projection, une fiction, d'écriture, de lecture, un espace en "mouvement". Ce qui s'y projette.
2- "Les photographies disent quelque chose d'autre, la même chose et pas la même." (Ma haie - 151) "Pour photographier, on choisit la distance qui convient. Il y a là une intention. A quelle distance écrit-on?" (152) "Comment regarder une photographie? On ne sait pas." (154) Même si ça n'éclaire pas tellement ma lanterne, je perçois qu'il y a ici un nœud, quelque chose qui résiste, ouvre et éclaire l'espace duquel je regarde une photographie, dans le mystère qui me lie à ce qu'elle révèle: "Les tours que nous joue le langage chaque fois que nous abordons un nouveau domaine sont une surprise perpétuelle."
3- "Prenez le pour ce / qu'il se propose d'être: un vrai livre d'images / directement puisées aux circonstances." (Un test, VII) Quelque chose de l'ordre de la tautologie, donc, mais à ce que celle-ci prend de son contexte et de sa destination : "Entre deux il y a un champ dont la forme tourne / entre nous." (XXV).
4- Relire, c'est relier, faire l’œuvre complète ("Les textes, comme le passé, bougent incessamment avec les lectures qu'on en fait" - Comme un orage), à rebours (on a un peu cette idée, à la fin du Cours de Pise): Comme un orage est déjà un livre d'images ("Associations empiriques, subjectives, du texte et des photographies."): "Elle n'a pas de nom / Elle est le point de floraison".
5- "Il en va de lire comme de voir: on lit et on voit comme on a appris à voir et à lire, de manière compulsive, en ramenant ce qui est inconnu à ce qui est déjà connu. C'est-à-dire en annulant. Somme zéro." (Tout le monde - 24)
6- "Aucun compas ne peut se mesurer lui-même." (Le Consul - 35)
7- Ruine à rebours m'a toujours résisté: j'ai beau lire et comprendre ce que je lis, je n'y comprends rien, je ne trouve pas la distance. Cette lecture voit bouger les lignes, je perçois, comme une image floue, ce qui se joue là-dedans, quelque chose se passe. y revenir. Trouver la mesure (voir 7).
8- Un livre un peu vieillot sur Guillaume IX d'Aquitaine, joli objet, tout petit in-12 à l'italienne. La traduction est souvent lourde, médiévisante, et ne rend pas la légèreté du texte, son allant, sa dextérité.

  

Livres lus ou relus (terminés entre le 26/4 et le 3/5)

- Emmanuel Hocquard, Un privé à Tanger, POL, 1987
- Emmanuel Hocquard, Le cap de Bonne -espérance, POL, 1988
 - Emmanuel Hocquard, Les Élégies, POL, 1990
- Emmanuel Hocquard, Théorie des Tables, POL, 1992
- Emmanuel Hocquard & Juliette Valéry, Le Commanditaire, POL, 1993
- Alexandre Delay / Emmanuel Hocquard, Le voyage à Reykjavik, POL, 1997
- Myrina D. McCullough, Niélé veut aller à l'école, Editions Jamana, 1999

1- Relire, trouver d'autres repères dans le cheminement familier. Lecture et mémoire, ce qui sous-tend: l'image doublée, l'enjeu d'un entretien à venir, la nouveauté du présent.
2- "Comment en finir avec la biographie? En la couchant sur du papier avec l'espoir que ce mime la dissoudra dans la langue morte. Livre après livre, j'édifie des maisons de verre aux façades réfléchissantes où se dissipent les images dans d'autres circonstances." (Un privé - 73) "Une surface réfléchissante peut-être, qui capte d'étranges reflets. Elle ne fait sûrement pas voir les choses elles-mêmes comme la transparence d'une vitre, ni leurs images à la manière d'un miroir, ni le passé à la façon de la mémoire, mais une superposition des énigmes: les images des choses réfléchies en m^me temps que le lieu du reflet." (82) "Tout livre est un choix, c'est-à-dire une lecture, et toute lecture un accident des circonstances." (132)
3- Un phénomène d'échos.
4- "Un son inaudible au sein de la chaîne harmonique. Du verre! Du verre! Un sourire à demeure sur les lèvres." (Le cap - 19) "Vois et reconnais sans surprise ce que tu n'avais jamais vu [...]" (36) "Évoquer ce qui peut survenir entre un commencement qui n'en est pas un et une fin qui n'en est pas une non plus, n'importe quand et n'importe où, mais pas tout à fait n'importe comment, tel est l'art de la narration, l'agencement des simulacres. " (39)
5- Il y a aussi une affaire de montage, ce que je lis n'est pas le livre.
6 - "Quelque chose à élucider pour de bon" (Élégies - 11) "Quelques nuages / de la buée / l'invention du verre" (109)
7- "Interroge les mots // La description de l'image / n'est pas une image // La description dissout l'image / rouvre le livre sur ceci" (Théorie - 32) "La grammaire dit: chercher une ombre " (42)
8 - Je recopie, retisse, raboute un système de raccords, de noeuds, qui ne rendent pas compte d'une lecture, si situent entre un travail d'archiviste, classer des traces, une boîte à outils, un phénomène d'échos entre diverses pièces, différents moments et mouvements.
9-  "Reflet et photographie: deux intentions différentes." ( Commanditaire, "Bondy-Nord dans un miroir" - et je note: relire ces pages, les garder dans un coin, au cas où) 3Il n'y a rien à démontrer. Il s'agit seulement de voir quelque chose que, pour l'instant, on ne voit pas encore." ("Le billard")
10- Lire: un espace entre. La lisière.
11- "Et, pour en revenir au jeu sur voir (voir de ses yeux ou comprendre), nous savons que le va-et-vient d'un sens à l'autre est courant dans le langage ordinaire. [...] Que le battement entre voir et voir est de même nature qu'entre dire et montrer. De la même façon qu'on parle de creuser une idée, on parlera de creuser un bassin." (Le voyage, XVII)
12 - Un petit livre d'un éditeur malien, pour les enfants, pour la promotion de l'école pour les filles, un livre pour apprendre.
13- Où je perçois le décalage (d'apprendre à réapprendre, aussi - pour qu'il y ait un écho, il faut qu'il y ait un son source).

vendredi 6 juillet 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le le 20 et le 26/4)

- Carlo Lucardelli, Guernica, Traduit de l'italien par Arlette Lauterbach, Gallimard, 1998
- Michael connelly, Le poète, traduit de l'américain par Jean Esch, Seuil, 1997
- Emmanuel Hocquard, Le cours de Pise, POL, 2018

1- Étrange polar picaresque, pendant la guerre d'Espagne, à la recherche d'un corps.Très résussi.
2- La quête d'un tueur en série, le journaliste détective en miroir du criminel comme relais du lecteur-enquêteur.
3- "le tunnel du temps perdu"
4- L'édition des cours d'Emmanuel Hocquard à l'Ecole des Beaux Arts de Bordeaux, par David Lespiau estun travail remarquable.
5- La répétition, la variation, l'approfondissement, la caisse à outils ("Les notions (ne) sont (que) des outils. Il s'agira de configurer votre boîte à outils." - 233),  les échanges avec les livres en parallèle.
6- "Analyser, c'est décomposer. Envisager le problème sous ses différentes facettes avec l'intention de résoudre. (Pas couper les cheveux en quatre pour le plaisir.) Analyser c'est dissoudre (les difficultés)." (143) "Dénouer, déplier, assouplir." (385)
7- De ce point de vue, Hocquard propose différentes méthodes d'attaque: les énoncés, la destination, la grammaire, l'anecdote, la lisière, le format, le discontinu, les connexions, la tautologie, les affects... Si on perçoit assez bien des lignes directrices, il est difficile, dans les entrelacements des textes (et cette reprise qui floute ma lecture d'autres livres), de ne pas penser autrement qu'en terme d'investigation, et de ce qui, à ce moment-là du problème, fait outil.
8 - "Les anecdotes sont ces sortes d'outils que vous fabriquerez à partir de vos expériences privées." (149)
9- "Cela "part" de la question du sens. De cette obsession de à vouloir trouver du sens - ou pire, le sens (le véritable sens) - à toute chose." (278) plutôt qu'un pourquoi, un comment, mais non prescriptif, m^me s'il est exigeant. A ce titre, ce livre, comme d'autres, d'Emmanuel Hocquard, constitue un manuel de lecture: apprendre en désapprenant à lire.  Un livre de lecture,(c'est-à-dire aussi: facile à lire, comme une première lecture), avec ce que ça suppose aussi dans les choix de la chrestomathie, vers l'ouvert, la lisière.
10- De ce point de vue, c'est un livre indispensable.