dimanche 26 août 2012

Du jeu dans la lecture (Hocquard / Stevenson)


Du jeu dans la lecture


« Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. »
(Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus[1])

« User des mêmes mots  sera notre manière / de nous taire sans avoir l’air de laisser mourir / la conversation. »
(Emmanuel Hocquard, Les Elégies[2])


            L’île au trésor de Robert Louis Stevenson[3] est le prototype du récit de pirates : une chasse au trésor avec une carte, une énigme à déchiffrer et un long voyage semé d’embûches pour s’emparer de richesses cachées, le tout sous la plume du héros.
            L’aventure est connue : à L’amiral Benbow, l’auberge du père du narrateur, arrive un mystérieux marin aux manières brutales, Bill Bones. Il cherche à échapper aux autres pirates qui veulent lui dérober la carte du capitaine Flint.
            C’est lui qui porte la mémoire du trésor, la carte, et la manière de la décoder. L’aveugle Pew, l’un des pirates, le poursuit et en mourra, en voyant son erreur[4], écrasé par des chevaux après s’être trop acharné pour retrouver cet objet de mémoire.
            A y bien regarder, il est tout de même étonnant comme les thèmes de la mémoire et de la carte sont traitées dans le roman : l’auteur se joue de nos représentations, sème le doute dans nos attentes, allant jusqu’à la falsification des indices.
            Stevenson, on l’a vu,  joue sur les mots. Bones, par son nom, est un mort en sursis : ossements. Il passera son temps à s’enivrer après son arrivée dans l’auberge du père de Jim, comme pour oublier l’arrivée des autres pirates, en chantant une chanson bien étrange si on l’écoute à la lumière de cette mémoire : « Oh fifteen men on the dead man chest »[5]. Le mot « chest » est traduit par « coffre » mais peut tout aussi bien être compris, si l’on joue avec les mots, comme « torse » : Bones porte la clé du coffre qui cache la fameuse carte au trésor, pendue autour de son cou[6]. Les hommes de Pew chercheront cette clé sur le torse de son cadavre, sa cage thoracique. « Oh fifteen men… » : chanson propitiatoire d’une ironie surprenante.
            Bones, chest : les mots se chargent de plusieurs significations, brouillent leur sens premier, comme noircis par leur dédoublement. A peine entré dans le théâtre du récit, Bones en est déjà effacé. Sa mort, inscrite dans son nom, viendra d’ailleurs très vite. Pew lui remettra un morceau de papier recouvert d’encre noire : le « black spot »[7], la tache noire, le trou où il sombre avec sa mémoire, victime d’une crise d’apoplexie.
            La carte, bien sûr, sera conservée par Jim, qui a réussi à la prendre avant l’arrivée de la bande de Pew. Il nous en donne un faux « fac simile » au début du livre, afin qu’on puisse se  figurer l’île. Mais pour que le lecteur ne puisse surtout pas y retourner pour s’octroyer le reste du trésor, Jim en a effacé soigneusement les coordonnées. Le rôle du garçon, narrateur et protagoniste principal, est souvent lié à l’effacement des traces. Après la mort de son père et l’épisode de Bill Bones, l’auberge de sa mère est repeinte, ce qu’il réalise avant de partir en voyage comme si son passé était aboli pour qu’il puisse sereinement subir l’initiation du voyage[8]. Jim prend aussi bien soin de gommer les marques pouvant situer son énonciation : date (17..)[9], lieu (la carte sans  coordonnées ; l’île, cet espace gris, qui sombre lors du départ[10]).
            De même le trésor, qui est moteur et fin du voyage, n’a que ce rôle de bornes, de prétexte. Il s’efface devant l’écriture de l’histoire de Jim, cet entre-deux de l’aventure.
            Comme espace du récit et but du voyage qu’il retrace, le livre se présente comme un cumul autobiographique : le récit de Jim et celui du docteur Livesey, comme traces de mémoire, relations  d’une expédition, relais dans la narration, et d’une histoire, celle du pirate Flint et de ses témoins, qui disparaissent au fur et à mesure de l’avancée dans l’île. Il est étrangement aussi celui où la mémoire s’efface, va et vient. To and fro[11].
            Le récit renvoie ainsi au récit, en train de se faire, comme il advient. La carte ne renvoie à rien qu’à elle-même, carte d’un lieu sans lieu: une tache blanche.

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            Dans Il rien[12], Emmanuel Hocquard évoque le roman de Stevenson et particulièrement un passage où Jim donnerait les coordonnées de l’île, une longitude et une latitude[13] auxquelles on ne trouve rien si on regarde une carte : le vide, la pleine mer. S’en suit une analogie avec la littérature, souvent reprise depuis. La carte, le modèle cartographique,  serait une métaphore de la littérature. Et le fait qu’elle ne renvoie à rien lui permettrait d’échapper à un certain « naturalisme », en se basant, plutôt que sur une « attestation de vérité », sur un mensonge, une page blanche, un rien sur lequel fonctionne le récit. Cet « espace inaugural » vide pourrait aussi être celui du livre, fondé non pas sur un accès à la représentation, mais à la présentation. Le livre n’a ainsi pas d’autre accès que ce qui nous est présenté, nécessitant alors un effacement des attentes préalables à l’entrée du livre[14]. Ceci pour répondre à la suspicion de « difficulté » d’accès d’un certain nombre d’écrivains (Albiach, Daive, Giroux, Guglielmi, Quignard, Royet-Journoud, Veinstein & Cie), l’accès se jouant alors sur cette capacité à effacer et à construire son propre cheminement dans le livre : « Si on veut voir, il faut se déshabituer à voir. »[15]
            Mais, ce faisant, Emmanuel Hocquard se réfère de manière erronée au roman : les coordonnées qui nous sont données par Jim sont celles d’une des prises de Flint, qu’il tire du carnet de Bill Bones, au moment de la mort de celui-ci, tué par une tache noire. Emmanuel Hocquard, est, lui aussi, victime d’une sorte de tache noire. Sa mémoire lui joue des tours. Trou de mémoire facilement explicable : l’auteur se souvient de coordonnées clairement énoncées dans le texte, et pense logiquement que ce sont celles de l’île. A quoi bon en effet des coordonnées qui ne font référence à aucun objet fixé dans la géographie[16], l’attaque d’un bateau en pleine mer ? [17]
            Cela n’enlève pas, du reste, de pertinence à son analogie, puisque l’île et la carte ne renvoient de toute façon à rien, que le détail réaliste des coordonnées tourne à vide, et que, finalement, ce qui fait sens dans l’analogie, ce n’est pas la référence au livre, le souvenir faux, mais le lien analogique. Il rien.

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            Jacques Roubaud écrit quelque part[18] que « La mémoire donne un nom propre à nos souvenirs. », comme si, dans la dynamique complexe que constitue la mémoire, le souvenir, petit fragment de mémoire figé comme on photographie – mais dont rien n’indique la véracité, car le désir, le traitement inconscient sont passés par là -, pouvait être défini comme un nom propre : un objet unique et individuel, irréductible, par là même d’une désignation simple (« ce moment où », avec le démonstratif), mais difficile à définir (sans cesse modifiable selon comment on le prends, ce qu’on y met, le faisceau de références qu’on y accole). Un morceau d’espace-temps noirci d’encre (saturé de ce qu’on y a mis, ce qui en fait un lieu passé, mort) mais en même temps manipulable, explorable, toujours vierge (la page blanche).
            Eric Audinet ne dit pas autre chose quand il évoque la « baignoire de Dash », groupe nominal qu’il considère comme un nom propre car « certains souvenirs sont si particuliers qu’ils ne peuvent s’énoncer que dans une langue particulière », c’est-à-dire des noms propres. Ici, c’est le souvenir d’Adrien, un des personnages du roman (« … et au petit étang au fond du parc où le chien de mon arrière-grand-mère, du nom de Dash, venait souvent se baigner »[19]), auquel lui fait penser un personnage féminin, par proximité d’émotion, de désir. Ce bref énoncé recoupe pour le personnage ce souvenir-image (la « baignoire » et le chien, que je peux imaginer aussi), ce presque-rien, une émotion, auxquels il associe le désir pour la jeune femme. Il manipule ainsi l’énoncé singulier qu’il fait référer avec ce moment, mais aussi à cet entre-deux de l’émotion-désir dans sa remémoration, sa re-présentation.

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            La carte de L’Ile au trésor a pour fonction de fixer le souvenir, l’emplacement de l’île, qui est effacé donc inutile. Une croix noire, l’emplacement du trésor, qui est déplacé par Ben Gunn, rendant l’indication inutile.
            Elle doit faciliter les déplacements du narrateur dans l’île, mais il se trouvera toujours quelque obstacle qui lui rendra la connaissance qu’il a de l’île par la carte, sinon inutile, au moins peu pratique dans l’action. Jim se perd lors de sa première escapade sur l’île, finit par retrouver son chemin avant de rencontrer Ben Gunn qui le perdra encore, avant qu’il ne rejoigne par hasard le fortin. Il s’endort lorsqu’il dérobe le navire et ne sait plus s’il pourra l’emmener au lieu de mouillage prévu. Il a bien du mal à se repérer dans la nuit en retournant au fortin après avoir dissimulé le bateau. Les hommes de Silver, le duplice chef des pirates,  se perdent en partant à la recherche du trésor, retrouvent leur chemin grâce au squelette, pour finalement ne rien trouver[20] à l’emplacement choisi par Flint, puisque Ben Gunn a déplacé le butin.
            Elle constitue donc à la fois l’espace de mémoire effacée (de la tache noire sur le papier, inutilisable, à la tache blanche du non lieu) et l’espace blanc inaugural du récit. Le lecteur fait osciller sa lecture entre la représentation qu’il a de la carte et la présentation de l’île par Jim.
            Emmanuel Hocquard utilise souvent les cartes de manière analogique[21]. Il les différencie, en référence à Gilles Deleuze, des calques : « Deleuze appelle un calque ce que dans le langage ordinaire on désigne habituellement par le mot carte : la représentation, généralement réduite et plane, d’un espace ou d’une portion d’espace. […] on pourra dire qu’une carte est singulière, affective, changeante, discontinue, provisoire, projective, intempestive, inaugurale. » [22] L’analogie porte, une fois encore, avec le récit : le calque correspond à la narration (linéaire) et la carte avec le récit (discontinu, dans lequel « il ne s’agit plus de partir et d’arriver, mais de faire mouvement, d’inventer des parcours et des passages inouïs, en acceptant, voire en revendiquant, l’imprévisible et l’inachèvement. »[23]).
            Pour illustrer cette analogie, il évoque un souvenir d’enfance. Avec deux amis, il avait divisé la zone de Tanger en trois territoires que les compères arpentaient ensemble : « […] l’invention,[24] grandeur nature, d’un territoire inventé dans un autre, ou à partir d’un autre […] une expérience de cartographie performative. » On retrouvera un autre exemple de cette visée performative dans Le voyage à Reykjavik[25] : l’Islande du livre est filmée en Gironde, il ne s’agit donc pas de l’Islande réelle, mais d’une Islande projetée[26], les deux espaces se superposent alors dans un espace projectif, une carte blanche, qui ouvre la possibilité du récit.
             Il n’est alors rien d’étonnant à ce que la carte de l’océan de Lewis Carroll soit régulièrement utilisée par Hocquard. Un rectangle blanc, inaugural, un  « régime ouvert, impersonnel. C’est celui de la visée performative, sans sujet ni objet. J’écris. Son ‘territoire’ est l’entre-territoires. Le vide, le blanc, le silence entre les choses, les mots et les paroles. »[27]  C’est la « tache blanche » qui a disparu de nos cartes, celle qui dit la distance dans un espace sans cesse resserré.[28] Cet espace du récit, qui est aussi celui de l’écriture dans L’Ile au trésor, paradoxalement[29], est celui que va investir le lecteur.
            Les cartes mentales, heuristiques, voire les cartes lexicales, représentent assez bien la position d’un lecteur dans cet espace inaugural : figurer des cheminements, des blocs dans la construction de la lecture, blocs mouvants, aux ramifications complexes. Finalement, c’est la construction d’une carte, espace noirci dans le livre, avec ses taches blanches, qui disent les déplacements, la distance produite par les énoncés.

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            Les énoncés, comme la carte, constituent cet espace d’indécision dans lequel le lecteur doit tracer sa propre carte.
            Emmanuel Hocquard, on le sait, développe une « théorie des énoncés », sans cesse en construction, dans la plupart de ses livres depuis les années 1990, au moins par allusions.
            Un énoncé est un fragment, mais ne se réfère plus à une totalité.  « Arrachés à leur contexte, dérobés, pourrait-on dire, ces fragments perdent dès lors leur qualité de fragments et se mettent à briller d’un éclat singulier. C’est-à-dire d’un éclat inouï, d’un éclat qui leur est propre. Ces unités décontextualisées, décontaminées dirai-je, appelons les énoncé. On pourrait dire aussi que les énoncés sont des propositions flottantes. »[30]  Ces unités choisies par l’au-teur, mais dépourvues d’un contexte, d’un resserrement lexical ou syntaxique, ne renvoient donc qu’à elles-mêmes, du fait de leur autonomie, de leur « insularité ».[31]. Néanmoins, dans leur disposition sur la carte blanche inaugurale du livre, elles construisent un espace, dans leurs rapports aux autres énoncés : les taches noires des énoncés se renvoient, jouent les unes par rapport aux autres.[32]
            De ces associations, le lecteur fera quelque chose, ou ne fera rien. « C’est là que ‘soudain, on voit quelque chose’, qu’un autre sens surgit, même à propos d’anciennes choses. A ce moment-là, un énoncé devient possible. Je dirai même qu’il s’impose alors avec la force de l’évidence. Pour moi et, peut-être, pour un lecteur. »[33] Dans les mailles du livre l’énoncé se met à fonctionner : quelque chose se passe. Le lecteur crée des « liens par juxtaposition »[34], fait son propre cheminement dans le texte, suit son fil d’Ariane parmi les énoncés qui, en s’associant, produisent leur propre espace, leur propre contexte[35] : « Quand deux énoncés se touchent, une étincelle jaillit »[36], une sorte de trésor.
            Mais les énoncés sont aussi des « ‘objets de mémoire’ qui restent à formuler »[37], ils ont les propriétés des noms propres dont parlent Audinet et Roubaud, mais renversées. Le nom propre « cristallise » d’une certaine façon le souvenir personnel (ce que contient l’énoncé « la baignoire de Dash »). L’énoncé, dans le régime dépersonnalisé du « je lis », est performatif : il produit son propre scintillement, un « instant de conviction »[38] qui l’associe au processus de mémoire, dans sa façon de fabriquer un souvenir, une image mentale[39]. Soudain, je vois quelque chose, un enchaînement devient évident : « Quelque chose passe ou ne passe pas. Il n’y a rien à expliquer, rien à interpréter. Le seul critère est de savoir si ça fonctionne pour moi. »[40] Une tache blanche ou un trou noir: une distance, du jeu dans le processus de lecture.
           
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            On pourrait assimiler ce fonctionnement des énoncés à celui de la photographie, qui a une grande importance dans les livres d’Emmanuel Hocquard. Les deux derniers y renvoient d’ailleurs directement par leur titre : Conditions de lumière et Méditations photographiques sur l’idée simple de nudité.
            Outre l’aspect simplement physique  - écrire et photographier, c’est noircir une surface blanche[41] -, l’analogie entre photographie et écriture est souvent utilisée par Hocquard.
            La photographie est comme le prélèvement d’un énoncé. Le cadrage, la distance sont des intentions (« Pour photographier, on choisit la distance qui convient. Il y a là une intention. A quelle distance écrit-on ? »)[42], mais ces intentions ne sont pas explicites: « On ne voit / pas l’angle /         Exposition de l’objet »[43]. Le cliché fonctionne ou ne fonctionne pas, dans l’expérience que j’en fais.
            « Un livre n’est pas ce que j’ai sous les yeux, mais comme ce que je vois dans l’appareil photographique. Je ne suis pas devant un problème de représentation mais de langage & image. D’image-langage. » [44] En effet, la photographie ne représente pas un objet, elle le re-présente, et ce en se présentant elle-même. Si on la regarde, on ne voit rien d’autre qu’une photographie.
            Pourtant, on conserve souvent les photographies comme des souvenirs. Mais « Ces photographies ne disent pas je me souviens. »[45], elles sont une « mémoire négative »[46]. Le cliché, comme un énoncé, ne fait en effet qu’ouvrir un espace que viennent remplir des désirs et l’expérience de ce nouveau lieu, à la façon des noms propres.
            Méditations photographiques…, comme plusieurs de ses livres, s’ouvre sur une image photographique, mais le cliché est ici retourné : un cadre blanc, qui évoque la carte de Lewis Carroll, dans lequel est simplement écrit le mot « PHOTOGRAPHIE »[47]. Comme si, à l’instar de l’énoncé, la photographie et son exploration commençait par l’élaboration d’une surface blanche. Comme s’il fallait passer par un moment de nudité, pour vraiment voir la photographie, dans toute sa nudité, noir sur blanc.


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            Dans une lettre de juillet 1884 à Sidney Colvin, Robert louis Stevenson affirme que l’écriture de Treasure Island a débuté dans la lecture d’un simple énoncé, the Dead Man’s Chest, qui est le point d’où le roman s’est développé[48]. Ce simple nom propre, le nom d’une île, joue le rôle de démarreur dans l’imagination de Stevenson, lui permet de jouer sur le mot en le saturant de sens. De cet espace inaugural, il construit une carte, un récit.

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            « Et si tout cela ne reposait que sur un malentendu ? […] Quelle sorte de malentendu dissimule-t-il ? »[49]


[1] Trad. Pierre Klossowski, Gallimard, 1961, coll. « Tel », pp.27 (texte légèrement différent) & 107.
[2] P.O.L, 1990, p.76.
[3] La numérotation des pages renvoie à l’édition Treasure Island, introduced by Eoin Colfer, Puffin Classics, 2008.
[4] « At this Pew saw his error […] », p.43.
[5] p.4
[6] p.34
[7] C’est le titre du chapitre 3, mais nous n’en avons l’explication que dans le quatrième, p.33. Bones meurt p.28.
[8] pp. 64-65.
[9] Dans l’incipit, le récit commence donc par un double effacement, sur une tache blanche.
[10] «Grey-coloured woods covered a large part of the surface. […] the general colouring was uniform and sad.» (p.109);  «[…] the highest rock of Treasure Island had sunk into the blue round of sea.» (p.300)
[11] L’expression revient de façon très régulière – trop, suis-je tenté d’écrire, pour que ce soit un hasard - dans la seconde partie du roman, dans différents contextes.
[12] Un privé à Tanger, PO.L, 1987, pp.51-58.
[13] « 62° 17’ 20‘’, 10° 2’ 40’’ », Treasure Island, p.52. Le texte contient une erreur, la longitude exacte est de 19° (vérification faite dans plusieurs éditions), Emmanuel Hocquard ayant, lui, noté 60° au lieu de 62° de latitude, erreurs qui montrent bien à quel vide renvoie le chiffre « réaliste ». Les coordonnées, que personne ne lit vraiment, sont comme une tache noire dans le texte, un paquet d’encre survolé, un blanc dans la référence pourtant. Il rien.
[14] Susan M. Schultz propose une réflexion similaire dans A poetics of impasse in modern and contemporary poetry (Alabama University Press, 2005) quand elle retourne le cliché de l’angoisse de la page blanche (« writer’s block ») en l’appliquant non plus à l’auteur, mais au lecteur (« reader’s block »).  La participation de ce dernier à l’élaboration du sens du texte étant d’autant plus important. (pp.1-25)
[15] Emmanuel Hocquard & Juliette Valéry, Le Commanditaire, P.O.L., 1993, « C’est Nord qui contient les pleurs », 23.
[16] Si l’on s’y arrête quelques instants, Stevenson nous fait là un drôle de coup : il utilise un détail « réaliste » pour désigner un point qui n’a pas lieu d’être relevé, cependant qu’il efface d’entrée un point qui est nécessaire à l’action.
[17] « Et si tout cela ne reposait que sur un malentendu ? […] Quelle sorte de malentendu dissimule-t-il ? » (Emmanuel Hocquard & Juliette Valéry, ibid., « L’histoire commence à Bondy-Nord», 16 & 18)
[18] Jacques Roubaud & Maurice Bernard, Quel avenir pour la mémoire ?, Gallimard, 1997, coll. « Découvertes », 2ème de couverture.
[19] Eric Audinet, Les Derniers jours de Venise, Farrago / Léo Scheer, 2001,  pp.87-88.
[20] Voir les épisodes respectifs dans Treasure Island, pp. 122-133,  185-235, 274-276 & 285-286.
[21] Voire en fabrique : Silva, Contrat maint, 2003.
[22] « Cartes blanches », in Jeu de cartes à Tanger, ESACT, 2004, p.VII.
[23] « Le récit », in Une Grammaire de Tanger, CIPM / Spectres familiers, 2007.
[24] « Cartes blanches », op.cit. p.IX.
[25] Alexandre Delay & Emmanuel Hocquard, Le Voyage à Reykjavik, P.O.L., 1997
[26] Fait amusant : si je projette les coordonnées fausses de l’île au trésor dans l’hémisphère nord, j’arrive en vue de l’Islande.
[27] « Cartes blanches », op.cit. p.XI. Le « j’écris » impersonnel, se construit ici par  rapport au « j’écris » personnel, qui correpond au « régime restreint ».
[28] ma haie, P.O.L., 2001, pp. 402-403. Les taches blanches sont réapparues récemment sur Google Earth, à l’emplacement des terrains militaires.
[29] Car L’île au trésor, en tant que quête, semble adopter la forme d’une narration, d’un point à un autre. Sauf si l’on considère le trésor comme leurre.
[30] Alexandre Delay & Emmanuel Hocquard, Le Voyage à Reykjavik, op.cit., p.13.
[31] « Qu’est-ce qu’un énoncé simple », in Les Babouches vertes, Une Grammaire de Tanger II, Cipm / Spectres familiers, 2009.
[32] « En fait, ces propositions, écrites noir sur blanc, sont à regarder comme autonomes et ne renvoient plus à aucun contexte préexistant. Elles sont comme des souvenirs, imprévisibles dans leur façon de surgir et de s’associer. La mémoire non plus n’est jamais linéaire. » (ma haie, op. cit., p.229)
[33] « Un malaise grammatical », in Théorie des tables, op.cit., extrait d’une conversation avec Olivier Cadiot.
[34] Conditions de lumière, P.O.L, 2007, p.81.
[35] « En pratique, il est commun de supposer que le contexte détermine ce qu’on veut dire lorsqu’on énonce une phrase. » On pourrait remplacer « dire » par « lire », dans ce lieu commun, ici tiré de La logique des noms propres (Minuit, 1982, p.161) de Saul Kripke. Un énoncé prend un sens pertinent dans le contexte dans lequel il est produit, contexte complexe dans le cadre d’une discontinuité importante et d’une lecture non déterminée. Sur la notion de La Pertinence, voir le livre du même titre de Dan Sperber et Deirdre Wilson (Minuit, 1986).
[36] Le Commanditaire, op.cit.,  « Le billard », 4.
[37] « Un malaise grammatical », op.cit.
[38] ma haie, op.cit. p.241
[39] « This seems to be the beginning of linguistic creativity in the full sense of term. If we can speak about just what we do not experience, we also create fictive objects, event and stories, only very loosely bound to some experience, but nevertheless able to evoke the same feelings as things experienced.” (Jan Sokol, “Language and experience”, in Dynamic Structure, language as an open system, edited by Johannes Fehr & peter Kouba, Litteraria Pragensia, 2007, p.34.)
[40] Une grammaire de Tanger, op.cit.
[41] « Quand le / papier prend le jour les syllabes / noircissent » (Conditions de lumière, op. cit., p.62)
[42] ma haie, op. cit., p.152.
[43] Conditions de lumière, op. cit., p.37 – Voir aussi Méditations photographiques sur l’idée simple de nudité, P.O.L., 2009, p.41.
[44] « Le canale », in Le Voyage à Reykjavik, op.cit., p.III
[45] ma haie, op. cit., p.151.
[46] L’invention du verre, P.O.L., 2003, p.46.
[47]  Méditations photographiques sur l’idée simple de nudité, op.cit., p.9.
[48] T. I. came out of Kingsley's AT LAST, where I got the Dead Man's Chest - and that was the seed […]” (http://ebooks.adelaide.edu.au/s/stevenson/robert_louis/s848l/chap6.html). Dans le livre de Kingsley, the Dead Man’s Chest est le nom donné à une île des Îles Vierges (par erreur ?), vraisemblablement Dead Chest Island, baptisée ainsi, selon lui, par les boucaniers (http://www.gutenberg.org/files/10669/10669.txt).
[49] Voir note 17.


Ce texte a paru dans le premier numéro de la revue Ligne 13, désormais indisponible.