lundi 12 août 2019

Livres lus ou relus (terminés entre le 2 et le 8/8)


- Heinrich von Kleist, L’élaboration de la pensée par le discours, traduit de l’allemand par Jacques Decour, Allia, 2016
- Agatha Christie, The big four, Berkley Books, 1984 (1927)
- Heinrich von Kleist, Sur le théâtre de marionnettes, traduit de l’allemand par Jacques Outin, Mille et une nuits, 1993

1- Bref texte, cher à Louis-René des Forêts (me dit-on – et je me rends compte que je n’ai pas lu Voies et détours de la fiction), qui défend l’élaboration de la pensée (le concept, l’idée, …) par le discours, ou plutôt, par la conversation, le dialogue, l’échange, qui ne propose donc pas l’idée d’un concept figé, mais celle d’une pensée dynamique, en mouvement, en mutation constante. « Ce n’est pas en effet nous qui savons, mais un certain état de nous-mêmes. » (36-37) CQFD avec le dialogue sur les marionnettes, ou plutôt sur la grâce et l’innocence, dans le mouvement (et en perspective, quelque chose sur la danse).
2- Enquête d’Hercule Poirot, trouvée dans une boîte (par coïncidence, je m’étais trouvé face à ce titre deux jours avant, d’où la lecture, qui tient parfois à peu de choses) : le retardement est construit sous formes de petits chapitres presque autonomes, par rapport à l’enquête initiale, si ce n’est par leur dénouement – quasi-nouvelles. Une organisation souterraine, et des petites cellules grises, typiques du roman de détection – pas l’un des meilleurs, mais la dextérité d’Agatha Christie dans les variations sur la forme.  Le Français, amusant, de Poirot (avec des erreurs), pour donner dans le réalisme. Ma foi, mon ami !

mardi 6 août 2019

Livres lus ou relus (terminés du 26/7 au 1/8)

- Emmanuel Bacquet, L'intrigue du monde, Les éditions d'Aldébaran, 2001
- Alberto Manguel, Chez Borges, traduit de l'anglais par Christine Le Boeuf, Babel, 2003
- Leslie Kaplan, Désordre, POL, 2019
-Jorge Luis Borges, Le rapport de Brodie, traduit de l'espagnol par Françoise-marie Rosset, Gallimard, 1972
- Denis Roche, Le boîtier de mélancolie, Hazan, 1999
- Jorge Luis Borges, Fictions, récits traduits de l'espagnol par P. Verdevoye et N. Ibarra, Gallimard, 1957
- Jean Paulhan, Les causes célèbres, Gallimard, 1950, 1982 pour la préface d'Yvon Belaval

1- Un récit & des photographies: une fuite un peu adolescente, à la deuxième personne, introspective - autobiographie ou fiction. Les photographies noir et blanc, qui jouent sur le grain, le flou, la netteté des enchevêtrements - sous-bois, fougères, très beaux.
2- Alberto Manguel a été lecteur pour Borges, récit et portrait au passé et des passages italiques au présent de narration: deux modes de raconter. Un portrait admiratif, sans doute, mais pas hagiographique: les paradoxes de l'homme, aussi, et qui donne envie de se replonger dans Borges.
3- Une fable ou un conte, le bref récit de Leslie Kaplan, en prise avec l'actualité, dans un mode étrange, qui allie le carnavalesque (des crimes, commis de façon individuelle, dans un désordre collectif, avec une frénésie assez drôle, critique aussi) et le rapport au collectif, dans une optique plutôt marxiste (la lutte des classes, ou en tous cas, le retour à une notion de classe - dans l'opposition de deux camps - et une sévérité avec le concept flou qui se prétend analytique, dans le domaine médiatique, la réaction politico-économique). La fin ouverte, à réfléchir (miroir).
4- Je n'avais pas lu Le rapport de Brodie, qui m'a d'abord un peu déçu, les horizons d'attente, et puis la lecture de Fictions m'en a, par contrecoup, donné une impression de grande finesse des motifs, qui se renvoie et se relient les uns aux autres (souvent des affaires meurtrières, en Amérique du Sud, des affaires de doubles, qui flirtent avec le fantastique, jouent avec l'image réaliste et décèlent une force souterraine: "Le sommeil, on le sait, est le plus secret de nos actes. Nous lui réservons le tiers de notre vie et nous ne le comprenons pas. Pour certains, ce n'est qu'une éclipse de notre veille; pour d'autres, un état plus complexe, qui englobe à la fois le passé, le présent et l'avenir ; pour d'autres encore, ce n'est qu'une suite ininterrompue de rêves." - 81, "L'aïeule", un récit sans doute cardinal). Je me souvenais assez mal de Fictions, "La bibliothèque de Babel", son labyrinthe infini, la méditation sur le livre et la clé. Retour sur Funes, après les deux livres d'Eduardo Berti. Et la fascination de ces récits qui gagne, et comme dans Brodie, l'impression de motifs qui reviennent, souterrainement, des personnages, des auteurs, des livres, un soutènement mystérieux. Il faudrait relire (et la préface de Nestor Ibarra, éclairante).
5- Je perçois la photographie, encore très naïf, comme quelque chose de naissant, une révélation, lente (et laborieuse pour moi - "Or il est presque impossible aujourd'hui de faire le chemin inverse et de retrouver cette innocence première." - 40). Denis Roche avait choisi 100 photographies, et le livre fonctionne de manière chronologique comme un livre d'histoire (Nièpce, Daguerre, Talbot...), et aussi le livre d'un regardeur (des photographies anonymes, appartenant à la collection de Roche, ou à son histoire familiale). Les textes guident l'oeil, souvent, très finement, ou apportent une distance, qui se révèle être proximité, un travail du regard qui se fait dans l'aller-retour (les textes sont "en regard" des photographies). "Comment faire un instantané d'un présent qui s'attarde, quand on sait qu'il s'agit à la fois de le retenir et de le tuer en beauté?" (176).
6- Récits ou poèmes en prose (je songe à Ponge, dans la dextérité), un petit livre étrange, qui fascine, force l'admiration, où l'on se laisse porter, sans forcément saisir, on suit un fil. Belle préface de Belaval (sur la contrainte à l’œuvre, notamment) "Telle était la difficulté que je portais tour à tour au divers étages du rêve, la remontant quand je l'avais descendue, la descendant quand je l'avais montée, et chaque fois parcourant de bout en bout mon petit domaine d'angoisse." (55)